Qu’est devenu le temps libéré ?

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Dans la foulée de la victoire du Front populaire, le mouvement ouvrier obtenait, en juin 1936, ses premiers congés payés. Quatre-vingts ans plus tard, ce n’est plus le travail mais bien le temps libre qui est au centre de nos existences. Qu’avons-nous fait de cette conquête fondatrice ? L’histoire du temps libéré est-elle toujours en marche ?

Sur la photo, ils sourient. Visages radieux, mines incrédules. 600 000 travailleurs, entassés dans les « trains rouges », découvrent les joies des vacances. Une « révolution » saluée par la presse de l’époque. « Victoire sur la misère », titre « Le Peuple », le 8 juin 1936. Absentes des revendications du Rassemblement populaire, les deux semaines de congés payés pour tous sont nées dans le chaudron des grèves ouvrières qui suivirent la victoire électorale de la gauche. Elles resteront dans l’histoire comme la mesure la plus emblématique du Front populaire.

En rattrapant son retard – l’Allemagne, l’Angleterre et les Etats-Unis bénéficiaient déjà de congés payés – la France accorde aux salariés du privé un droit nouveau. Non pas le droit de se reposer pour reconstituer sa force de travail. Mais plutôt le droit d’être payés… à ne rien faire. Le « droit à la paresse », souligne Éric Lafon, commissaire de l’exposition « 1936. Nouvelles images, nouveaux regards sur le Front populaire » du musée de l’Histoire vivante de Montreuil (Seine-Saint-Denis, à voir jusqu’au 31 décembre).

Que faire de cette double « semaine des sept dimanches » ?

À une époque où le travail et l’Eglise définissent les relations sociales, que faire de cette double « semaine des sept dimanches » ? Nombre d’ouvriers resteront dans leur usine pendant l’été 1936. D’autres iront travailler ailleurs. « Les congés payés comme revendication arrivaient loin dernière l’augmentation des salaires et l’amélioration des conditions de travail », explique Éric Lafon. Ce temps arraché au patron, à la machine, à la course à la productivité, va néanmoins être investi par un large mouvement d’éducation populaire. Outre la mer et la montagne, on découvre le sport, le cinéma, le théâtre. Les colonies de vacances, les auberges de jeunesse et les bibliothèques fleurissent. Les corps se libèrent, on chante dans les chorales populaires. Le peuple s’émancipe. Il s’approprie le temps…

Samy Archimède

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