Rencontre avec la marraine de Visions Sociales 2022, l’actrice et réalisatrice Aïssa Maïga, militante féministe et antiraciste, auteure de deux documentaires – l’un sur l’impact du réchauffement climatique au Niger, l’autre sur la représentation des Noirs au cinéma – programmés au festival de cinéma de la CCAS, du 21 au 28 mai prochain.
« Puisque la société est multiple, la représentation de la diversité doit concerner tous les milieux professionnels, y compris le cinéma » : avec pugnacité, Aïssa Maïga continue à irriguer de ses idées d’égalité et de justice un monde du cinéma frileux. Par son talent, elle a attiré des réalisateurs de renom comme Claude Berri (« L’un reste, l’autre part »), Cédric Klapisch (« Les Poupées russes ») ou Michael Haneke (« Code inconnu », « Caché »).
Aïssa Maïga est ainsi une actrice et réalisatrice qui ne joue jamais avec les injustices. Une féministe qui ne transige pas avec ses valeurs. Une citoyenne qui aime provoquer et alimenter le débat, avec cette énergie et cette sincérité ostensibles à l’écran comme dans la vie.
Revenir « du côté de Cannes » un an après « Marcher sur l’eau », son premier documentaire, c’est faire ressurgir deux événements marquants de sa carrière. En 2006, elle venait défendre le cinéma africain au Festival avec « Bamako », d’Abderrahmane Sissako, dans lequel elle jouait une chanteuse de bar sous l’emprise d’un homme violent. Douze ans plus tard, en 2018, c’est accompagnée de ses acolytes – seize actrices françaises noires témoignant des stéréotypes et du racisme dont elles sont l’objet dans leur profession – qu’elle monte les marches du Palais des festivals pour y clamer sa soif d’égalité et son refus de la discrimination, au moment où elle publie son essai-manifeste collectif, son livre coup de poing, « Noire n’est pas mon métier » (éditions du Seuil).
Dans « Regard noir », Aïssa Maïga poursuit le combat qu’elle a entamé en 2018 avec le livre « Noire n’est pas mon métier » et une montée des marches très symbolique au Festival de Cannes, et en prenant la parole aux César 2020 à propos du manque de diversité au cinéma. C’est l’un des deux films d’Aïssa Maïga projetés au festival Visions Sociales 2022.
« J’essaie d’être en accord avec moi-même dans tout ce que je fais »
Être présente à La Napoule en tant que marraine de Visions Sociales, c’est sans conteste pour Aïssa Maïga une façon de rappeler la « raison d’être du cinéma » : « Le nom même de ce festival est très évocateur pour moi, affirme-t-elle. Il indique de façon très nette et sans détour à la fois la question du cinéma et celle du regard sur la société. Et bien sûr de l’impact du septième art sur cette même société. J’essaie d’être en accord avec moi-même dans tout ce que je fais. »
Ce cinéma tourné vers les autres, c’est celui qu’elle incarne et défend depuis le début de sa carrière, avec un style singulier. Et surtout avec fierté et dignité ! Cette attitude est sans doute le fruit d’une éducation au sein d’une famille où, en tant que fille, elle n’a « jamais été mise au ban, au contraire ». « J’ai grandi avec cette idée que les femmes étaient libres et égales, raconte Aïssa Maïga. Or, en entrant dans le monde du travail, je me suis aperçue à quel point nous sommes dans un monde patriarcal. Et j’ai constaté que les questions du sexisme et du racisme étaient diluées de façon assez sournoise, sans parler de l’imaginaire posé sur le corps des femmes noires. »
Tourné dans le nord du Niger, « Marcher sur l’eau » raconte l’histoire du village de Tatiste, qui est victime du réchauffement climatique et se bat pour faire forer un puits afin d’avoir accès à l’eau. C’est l’un des deux films d’Aïssa Maïga projetés au festival Visions sociales 2022.
À 46 ans (« j’aime beaucoup l’âge que j’ai », glisse-t-elle en riant), après être passée pour la première fois derrière la caméra, satisfaite d’avoir « dépassée [s]es peurs et [s]on manque de légitimité à [s]es propres yeux », Aïssa se projette : « J’ai envie d’être dans la transmission. De soutenir des jeunes, et de ‘magnifier’ les plus anciens. Concernant la réalisation, je dois rester libre de faire dans le divertissement aussi. J’ai un tas de projets ! La seule question qui me préoccupe vraiment, c’est celle du temps et de l’incertitude qu’elle génère. Dans quoi vais-je mettre mon énergie, quel film vais-je développer, dans quels rôles vais-je m’engager ? Tout cela est complètement lié à l’idée du temps qui passe. »
À lire
« Noire n’est pas mon métier », ouvrage collectif, Seuil, 2021, 131 p., 4,65 euros (tarif CCAS).
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Visions Sociales : 20 ans de cinéma en lutte
Pour les 20 ans du festival de cinéma des Activités Sociales, qui a lieu chaque année sur les hauteurs de La Napoule, à quelques encablures de la Croisette, retrouvez du 21 au 28 mai une programmation internationale ambitieuse : des fictions et des documentaires récents, originaires de France, d’Uruguay, d’Espagne, du Brésil, d’Israël, de Bosnie, de Slovénie…
Une édition numérique sera également proposée du 21 mai au 4 juin en accès libre sur la Médiathèque des Activités Sociales, ainsi que des projections et des initiatives « hors les murs » avec le concours de certaines CMCAS.
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