Révolutions féminines à l’œuvre au Kurdistan

Meral Cicek, présidente du Mouvement des femmes kurdes © DR

Meral Cicek, présidente du Mouvement des femmes kurdes © DR

Meral Cicek est la présidente du Kurdish Women’s Relation Office (Repak) basé à Erbil (Kurdistan irakien). Elle évoque la situation des femmes kurdes, leur combat et leur rôle dans les révolutions actuellement à l’œuvre dans cette partie du monde.

Quelle est la mission du Bureau de coordination des femmes du Kurdistan?

Il y en a principalement deux. La première est de renforcer les relations et la coopération entre les femmes des organisations kurdes des quatre zones du Kurdistan et de l’étranger. La seconde est de faire connaître le Mouvement de libération des femmes kurdes et de construire des ponts avec d’autres femmes dans le monde, notamment au Moyen-Orient. Depuis trente ans, nous avons gagné des luttes et nous avons envie de partager nos expériences pour qu’elles soient profitables aux autres.

Quelle est la particularité de la situation des femmes kurdes ?

Le Kurdistan, le pays des Kurdes, est aujourd’hui divisé en quatre États : la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie. Bien que le Mouvement de libération des femmes kurdes soit présent dans ces quatre pays, il existe des différences importantes et des luttes spécifiques à chaque région. Au Nord (en Turquie) et au Rojava (en Syrie), la situation des femmes est beaucoup plus progressiste que dans le sud Kurdistan (Irak) par exemple. Cela tient surtout au fait que, dans ces deux régions, la place des femmes dans la lutte pour le peuple kurde dans son ensemble a atteint un niveau structurel et institutionnel. Dans les zones de gouvernements auto-proclamés du Nord et du Rojova se produit une révolution dans la révolution : les femmes sont motrices d’un progrès général. Par exemple, dans le Nord Kurdistan, le mouvement de libération kurde a établi un système de co-présidence à tous les niveaux. De la municipalité jusqu’au parti politique, un homme et une femme se partagent les fonctions de direction. Le système de quota n’est même plus nécessaire parce le principe d’égalité est intégré et mis en pratique.

De même, la révolution qui se déroule actuellement au Rojava a un caractère féminin et elle défend bien sûr l’émancipation féminine. C’est la raison de son succès. Une vraie révolution a besoin de figures féminines. Sans cela, elle ne fait que reproduire l’ancien système patriarcal capitaliste.

Dans l’Est Kurdistan (Iran), le mouvement des femmes, très fort, est confronté à un régime qui opprime toute forme d’opposition et qui nie les femmes. Les difficultés sont réelles et dans ce contexte la radicalité du Mouvement des femmes kurdes constitue une force d’appui et d’espoir. Enfin, en Irak, la situation est totalement différente. Il y a un mouvement de résistance ancien contre le régime Baath mais il n’a jamais englobé les femmes. Ce mouvement de libération nationale n’inclut pas la notion de transformation sociale. Nous en voyons les résultats. Toutefois, la résistance des combattantes de la guérilla contre l’État islamique dans le Nord Kurdistan impacte la société qui commence à prendre conscience de la nécessité d’une révolution sociale.

Le 3 mars dernier, au Kurdistan irakien, près de Kirkuk, des membres de l'Organisation des femmes libres au Kurdistan (RJAK) retrouvent des combattantes de la guérilla et font une déclaration commune à la presse © DR

Le 3 mars dernier, au Kurdistan irakien, près de Kirkuk, des membres de l’Organisation des femmes libres au Kurdistan (RJAK) retrouvent des combattantes de la guérilla et font une déclaration commune à la presse © DR

Quelles sont vos principales revendications ?

D’une manière générale, nous combattons pour obtenir l’égalité à tous les niveaux de la vie sociale, économique, politique, etc. Nous demandons à être reconnues en tant que sujets à tous les niveaux de la vie  et donc à participer de manière paritaire à tous les processus de prise de décision. Pour mettre un terme à des phénomènes tels que la violence envers les femmes, la discrimination ou le sexisme, la « culture » du viol ou le féminicide,  il faut que les femmes soient reconnues en tant que sujets à toutes les étapes de la vie. C’est pour cela que nous nous efforçons de développer des structures associatives pour les femmes, de défendre leurs droits collectivement et d’obtenir une participation égalitaire.

Le combat des femmes kurdes est surtout connu à travers celui des combattantes peshmerga. Quel rôle jouent-elles dans la reconnaissance des droits de la femme ?

Plusieurs organisations kurdes sont investies dans la lutte armée. C’est dans le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) que la participation féminine est la plus importante avec les combattantes de la guérilla (le terme « peshmerga » est utilisé en Irak et en Iran). Du point de vue historique, cette guérilla a été un moteur essentiel de transformation sociale. En s’engageant ainsi, les femmes refusent d’être des objets ou d’endosser le modèle classique que la société traditionnelle leur réserve. Dans la guérilla, elles organisent leur vie sans intervention extérieure et sans demander d’aide. Elles n’ont pas seulement intégré les unités militaires, elles ont créée leurs propres unités combattantes. Les montagnes du Kurdistan ne sont pas seulement un lieu de combat arme au poing contre l’ennemi : c’est aussi celui d’une lutte de genre et de classe. Il est clair que la transformation sociale actuellement à l’oeuvre au Kurdistan résulte directement de cette lutte.

Manifestation de protestation à Silopi, le 3 mars dernier, où Seve Demir, Pakize Nayir et Fatma Uyar, trois militantes kurdes, ont été assassinées début janvier © DR

Manifestation de protestation à Silopi, le 3 mars dernier, où Seve Demir, Pakize Nayir et Fatma Uyar, trois militantes kurdes, ont été assassinées début janvier © DR

Que ferez-vous le 8 mars ?

Depuis des décennies, c’est une date importante dans le calendrier kurde qui précède une autre date importante : le Newroz (jour de l’an selon le calendrier kurde). Cette période de renouveau est aussi un mois de manifestations, qui commencent dès le début du mois de mars. Les manifestations durent quasiment un mois. Cette année, nous protestons contre les massacres perpétrés par l’Etat turc contre les Kurdes. Beaucoup de nos camarades ont été tuées ces derniers mois : les militantes Seve Demir, Pakize Nayir et Fatma Uyar, mais aussi des dizaines de mères. Ce 8 mars nous porterons leur voix, leur adhésion à la liberté et à une vie indépendante.

Qu’attendez-vous de la 2e Conférence mondiale des femmes qui va avoir lieu du 13 au 18 mars à Kathmandu ?

Une délégation de chaque région du Kurdistan sera présente à la conférence. Cette plate-forme, où nous rencontrons des organisations de femmes venues de tous les pays du monde, sera l’occasion de partager des expériences  pratiques, de mettre en commun nos analyses. La conférence a lieu au Népal sous le slogan « Les femmes gravissent les plus hautes montagnes ». Nous y apporterons l’esprit des montagnes du Kurdistan.

En savoir plus : Association de solidarité France-Kurdistan

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2 Commentaires
  1. Dominique TOLNAI 9 ans Il y a

    J’aimerai soutenir ces Femmes libres au Kurdistan.
    Elles sont une leçon pour nous toutes! et nous tous!
    La liberté agonise mais ne mourra jamais. JAMAIS!!!

    Comment rentrer en contact avec elles?

  2. lili 9 ans Il y a

    Depuis quand le kurdistan est un pays, dont une partie serait en Turquie en plus dit elle? La Turquie est un pays entier , il n’ y a pas de kurdistan ce n’est qu’un rêve et vous devriez avoir honte de faire un article sur cette femme qui sournoisement, représente le PKK un parti terroriste reconnu même par les Etats-unis, les militantes et les drapeaux que l’on voit sur les photos ne sont autres que des terroristes qui font exploser des innocents…

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