Toujours en prise avec le monde, le documentaire est un mode d’expression qui renouvelle sans cesse ses formes. Reste à conforter les moyens financiers de sa créativité et à élargir sa visibilité. Faciliter la rencontre avec ce cinéma du réel est l’un des axes de la politique culturelle des Activités Sociales.
Longtemps, le cinéma documentaire est resté un genre mineur. Il est désormais un art majeur. Et il a le vent en poupe. Le nombre d’heures produites augmente régulièrement : environ 3 000 en 2013 avec le soutien du Centre national de cinématographie. Dans les festivals (à Paris, au Touquet, à Lussas, à Amiens…) un nombre croissant de spectateurs prouve qu’il a un public. Bénéficiant des évolutions technologiques qui rendent sa pratique plus souple, les formations universitaires qui l’enseignent se sont multipliées en quelques années. Autre signe, de plus en plus d’œuvres sortent en salles de cinéma (même si elles demeurent une infime proportion de la diffusion totale : seulement 16 % des titres présents sur le marché mais c’est le double d’il y a cinq ans). France Télévisions et les nouvelles chaînes de la TNT contribuent largement à cet essor en offrant un espace de diffusion. Elles financent aussi la majeure partie de la production documentaire.
Avec 20 000 spectateurs en avril dernier, le Figra (Touquet) a fait salles combles. Georges Marque-Bouaret, son directeur délégué, explique ses choix : « Je recherche la qualité, pas le formatage. Et je fais confiance au public. Celui qui fréquente ce festival est souvent spectateur de documentaires à la télévision ou ailleurs, il est intéressé par ce questionnement du monde et il en devient le témoin. Les projections sur grand écran sont aussi l’occasion de partager et le public apprécie de rencontrer les réalisateurs. » Des situations humaines, environnementales ou sociales proches ou lointaines, contemporaines ou passées, souvent difficiles voire chaotiques. Une confrontation avec les réalités du monde dont le spectateur ressort parfois saisi. « Choqué mais conscient », souligne un habitué du festival. Loin de donner des réponses, le documentaire devient support d’interrogation de l’Homme par l’Homme. Il s’approprie tous les sujets, suscite la parole et le débat, rendant compte de la complexité et des paradoxes. Face au vertige de l’information en continu, il impose une distance nécessaire pour une nouvelle expérience du réel. Mais ce qu’il propose n’a toutefois rien à voir avec « ces documentaires ultra-formatés bourrés de commentaires cherchant à capter le spectateur mais pas à l’enrichir… », s’insurge Georges Marque-Bouaret.
Nombre de professionnels du secteur déplorent que la course à l’audimat des chaînes soumette les films et leurs auteurs à des normes laissant peu de place à la diversité des approches. « Une dramaturgie excessive les cinq premières minutes, un personnage principal, une voix off qui rattrape le spectateur si jamais il s’égare et un rythme soutenu, voilà le format dans lequel le documentaire doit rentrer s’il veut plaire aux chaînes », note Jean-Marie Barbe, auteur-réalisateur, délégué général des États généraux du film documentaire de Lussas (Ardèche). Cela fonctionne bien dans un documentaire d’investigation, mais « pas dans une œuvre plus fragile, où l’on est dans une logique d’art, de création, de forme inédite. Le risque est que ces télévisions se coupent de tout un terreau de jeunes auteurs ».
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