Une communauté de femmes qui reprend son destin en main, soutenues par une solidarité internationale à laquelle la CCAS et les agents des Industries électriques et gazières, voyageurs solidaires, contribuent sur la longue durée : voici l’histoire de l’écovillage Nashira, en Colombie.
Dans la vallée del Cauca, jardin fertile de la Colombie, se trouve l’écovillage Nashira [lien en espagnol]. C’est ici qu’à partir de 2006, 88 femmes en situation précaire, victimes d’un conflit armé qui a duré des décennies, ont décidé de fonder une communauté. Construisant de leurs propres mains leurs maisons, elles ont été aidées par des subventions gouvernementales et locales. Elles ont bénéficié du soutien d’ONG et d’associations comme Change the world et Passeport Pluriel. Ces femmes souhaitaient faire vivre le village sur ses propres ressources. Elles ont donc uni leurs forces pour réaliser un écovillage autonome en faisant usage de matériaux locaux recyclés.
Carmen Gil, agente retraitée, vice-présidente de l’association Passeport Pluriel, se souvient : « Nous avons suivi et soutenu leur projet pendant trois ans en lien avec nos partenaires locaux et dès 2009 nous l’avons présenté au conseil d’administration de la CCAS. »
Un projet pilote, soutenu par la CCAS
L’aide financière de la CCAS aura permis, dès 2009, la formation nécessaire à la communauté, la construction de sanitaires écologiques, d’un restaurant solaire avec sa parabole et son four solaire, l’aménagement extérieur dans l’écovillage. « Bien sûr, ces femmes ont dû accepter de s’investir dans des apprentissages et de se former avec Change the world : ateliers d’agriculture, de bioconstruction, de recyclage, mais aussi, de gestion des conflits… car un collectif ne se fait pas seul. Les femmes ont d’abord dû apprendre à se connaître », se remémore Carmen qui a effectué plusieurs séjours sur place.
Le projet a été pilote au niveau national non seulement pour ses maisons, mais aussi de par sa structure sociale. « Pendant treize ans, un groupe de recherche a évalué les différentes étapes du projet. Les programmes universitaires environnementaux et de psychologie communautaire ont également été impliqués. Plusieurs thèses de doctorat ont été écrites sur l’expérience de Nashira », relate ONU-Habitat.
Voyageurs solidaires
L’organisation de séjours solidaires de 2010 à 2012 puis en 2016 constitue la deuxième phase du partenariat avec la CCAS. Les voyageurs sont logés dans les premières maisons construites et aménagées par les familles hôtes. Le séjour dure quinze jours, avec toujours un retour le soir dans l’écovillage. « Certains voyageurs pensaient participer aux travaux de construction, mais ce n’était pas ce que les femmes attendaient. Leur fierté, c’est de pouvoir montrer ce qu’elles ont fait seules ou presque », explique Carmen Gil.
Pour Claudio Madaune, directeur de Change the world Colombie, les voyages solidaires invitent à mettre en perspective et souvent remettre en question nos modes de vie et nos visions du monde. « Cela peut générer un changement d’attitude chez ‘les gens du Nord’, loin de la notion de charité qui considère l’autre du point de vue du désavantage. Cette rencontre avec d’autres cultures et réalités développe au contraire une volonté d’engagement dans une société mondialisée où certaines communautés subissent de nombreuses injustices. »
« La solidarité prend une autre dimension : on découvre que l’on n’est pas les seuls à avoir besoin d’être aidés. À travers la découverte d’autres cultures, d’autres besoins, il y a ce même dénominateur commun d’humanité », relate ainsi une très jeune voyageuse.
« Solidaires ne veut pas dire ‘sauveurs' »
Pour Christophe Hodé, du pôle des solidarités à la CCAS, « organiser un voyage solidaire, c’est souvent déconstruire l’imaginaire de l’aide et tenir compte avant tout des différences entre les cultures. Car la base de l’aide est toujours une demande de la population locale ».
Une expérience inoubliable traversée par Patrick Maia, à plusieurs reprises : « On a réellement le sentiment de faire des rencontres sans artifice, sans intérêt financier derrière, irriguées d’échanges nourrissants et d’émotions. » Cet agent de la DRH EDF Levallois-Perret est resté en contact régulier, par messagerie, avec ses hôtes du Togo comme de Colombie. « Solidaires ne veut pas dire ‘sauveurs’, nuance-t-il. Bien sûr, puisqu’ils nous hébergent, notre présence constitue une petite aide financière pour eux. Mais nous recevons en retour beaucoup de ce partage quotidien. Beaucoup de plaisir. » Aujourd’hui, Nashira est autonome financièrement. Sept autres écovillages sont nés grâce à des femmes colombiennes.
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