Son destin s’est-il joué à la maternité, lorsqu’elle a été échangée avec un autre enfant ? Dans son roman « La plus grande chance de ma vie », Catherine Grive ventriloque Juliette, une ado en quête de son identité. Une histoire et son auteure à retrouver cet été dans les colos 12-14 ans.
L’histoire. La pétillante Juliette est une ado de 13 ans, bien dans ses baskets, à qui tout réussit. Jusqu’au jour où le cataclysme se produit : Juliette n’est pas la fille de ses parents. Pas une simple affaire d’adoption cachée mais une sombre histoire d’échange de bébés à la maternité. Avec ce roman jeunesse, Catherine Grive passe au crible des questions très actuelles. Car, au-delà du ravage provoqué par cette révélation inattendue, se posent à la jeune fille mille interrogations : celle de sa filiation bien sûr, mais aussi celles de son identité et surtout de l’amour de ses parents.
Bio express. Née à Toronto au Canada, Catherine Grive arrive en France à l’âge de quatre ans. Catherine Grive a longtemps été traductrice (anglais-français) de romans sentimentaux et de guides de voyage. Auteure de nombreux albums et romans jeunesse, elle vient de publier « La fille qui mentait pour de vrai » aux éditions du Rouergue.
Comment vous est venu le sujet du livre ?
C’est parti d’un fait divers. Un dimanche soir, je suis tombée sur l’interview d’une mère qui expliquait son malheur : l’échange de son bébé à la maternité. Elle l’avait découvert des années plus tard. Sa fille, une ado effacée, était présente derrière elle. Je retiens l’image de cette femme feuilletant un album photo ; comme si le temps du bonheur puis celui du malheur défilaient sous ses yeux. Le visage de la mère m’a profondément bouleversée. C’est cette dévastation qui m’a interpellée.
« C’est la première fois que je pleure en écrivant un livre. »
La mère vous a émue, c’est pourtant la fille qui raconte leur drame dans votre livre…
C’était une évidence pour moi : c’était à la fille de raconter. Impossible de me mettre à la place de la mère. C’était trop douloureux. Sans doute parce que je suis moi-même mère. Je ne me suis pas sentie autorisée de parler à sa place. C’est la première fois que je pleure en écrivant un livre. Et pourtant, j’en ai écrit des histoires tristes ! J’ai plus pleuré pour la mère que pour sa fille.
Que vous évoque la période de l’adolescence ?
C’est l’âge des tourments, le temps de l’empêchement. En même temps, tout est possible, offert. Même le pire ! Cette période est un réceptacle dans lequel l’ado accueille tout, ses propres impressions comme celles des autres. Tout cela se mélange. Je ne garde pas un souvenir merveilleux de cette période mais je pense qu’il n’est jamais trop tard pour vivre son adolescence.
« L’identité, c’est tout ce qui fait qu’on n’est pas seul ! »
Votre livre aborde la question de l’identité…
L’identité, c’est tout ce qui fait qu’on n’est pas seul ! C’est ce qui fait l’autre en soi. L’ado manque de confiance en lui ; il se construit sur quelque chose. Il est logique qu’il cherche à se retrouver dans l’autre. Juliette, pour se rassurer, a besoin de trouver des ressemblances avec ses parents. Après la révélation, c’est un tel bouleversement qu’elle est effondrée ; elle considère qu’elle n’est pas la fille qu’elle croyait être. Elle tente donc de se raccrocher à ce qu’elle peut.
Que retenir de votre livre ?
Ce qu’il faut retenir, c’est que l’amour transcende tout. Juliette et sa mère entretiennent d’excellentes relations, idéales peut-être, finalement plus belles que si elles étaient réellement mère et fille. Elles ne savent pas vraiment pourquoi elles s’aiment à ce point, d’une façon désespérée parfois. C’est peut-être parce qu’elles sentaient quelque chose d’anormal qu’elles sont si fusionnelles… Néanmoins, ce drame peut être la porte vers la liberté, vers ce qui va les rendre libres, libres de se choisir en tant que personnes, au-delà du lien de filiation. Car finalement, la mère et la fille se re-choisissent. C’est cela, le véritable amour. Mon livre est une histoire de bonheur.
Juliette se définit comme chanceuse. Finalement qu’est-ce qu’avoir de la chance ?
J’ai choisi pour prénom Juliette, « Ju » comme l’appelle ses parents, pour joie, parce que tout est censé bien se passer. Ju a tout pour elle : lumineuse, joyeuse, très entourée par des gens bienveillants, sans problème majeur. On l’envie presque… On la pense préservée de tout, surtout du pire. La chance dans la vie, c’est l’amour. Aimer et être aimé. Or, Juliette est très aimée et au-delà des liens du sang. La chance est aussi une question de regard que l’on porte sur soi, comme se faire confiance, apprendre à s’écouter, à ne pas se fuir et décider de ne pas être victime de son malheur. C’est prendre la vie à bras-le-corps !
« J’ai la liberté d’écrire sur des sujets graves car des choses tristes arrivent aussi à des gens drôles. »
Écrivez-vous différemment pour le jeune public ?
Non. Je m’adresse aux ados comme à des adultes. Mais j’écris de manière plus simple, plus spontanée et instinctive avec beaucoup de dialogues et des phrases plus incisives. J’ai plus le souci du vivant. J’écoute ma voix intérieure et j’écris, j’écris, j’écris… C’est cela qui compte. Dans mes romans pour les ados, je m’autorise à être moi-même. J’ai la liberté d’écrire sur des sujets graves car des choses tristes arrivent aussi à des gens drôles.
Quels sont vos thèmes favoris ?
L’identité sexuée. La perte, la disparition des choses, des gens. Le temps qui passe et comment il agit.
A lire
« La Plus Grande Chance de ma vie », de Catherine Grive
Éditions du Rouergue, 2017, 138 p., 10,70 euros.
À lire dans toutes les bibliothèques des centres de vacances de la CCAS.