Si les femmes peuvent légalement pratiquer tous les sports à condition de trouver un club, les stéréotypes sexistes persistent et les femmes ont du mal à se faire une place dans des sports traditionnellement considérés comme masculins. Une situation que combattent de nombreuses sportives, amateures ou de haut niveau.
L’égalité d’accès au sport des filles et des garçons est en bonne voie, même si de nombreux freins subsistent. À commencer par des stéréotypes que les femmes ont totalement intégrés, et ce dès le plus jeune âge. « Personne n’a dit à la petite fille de 3 ans de rester sagement assise dans la cour de récréation à parler avec ses copines, quand les petits garçons courent dans tous les sens, explique Nicole Abar, ancienne internationale de football et championne de France, fondatrice de l’association Liberté aux joueuses. Mais c’est vrai qu’avec une jolie petite robe et des chaussures coquettes, il est difficile de courir et se rouler par terre… »
La cour de récréation, premier lieu sexiste ? De nombreuses études montrent qu’en termes d’occupation les petits garçons se trouvent « à l’espace central, sur le terrain de foot », et les petites filles « sur les côtés et près des toilettes ». C’est ce que pointe la 4e consultation nationale des 6-18 ans de l’Unicef, qui a interrogé 26 458 enfants et adolescent·es. En classe élémentaire, les filles rapportent qu’elles n’ont pas le droit de jouer au football parce que les garçons leur refusent l’accès au terrain… et donc au centre de la cour.
« Pour les garçons, pointe le rapport, jouer avec les filles interroge leur appartenance au groupe de pairs sous l’angle de ce qu’être un garçon signifie. Plus on grandit à l’école élémentaire, plus cette injonction prend de la place, on entend les garçons parler des « petits jeux de filles ». Pouvoir jouer au football, par exemple, est le symbole de l’appartenance au groupe des garçons, jeu qui fait « la popularité » des garçons. »
Changer de regard sur les sportives
Catherine Louveau, sociologue et experte du collectif Égal Sport, cofondé par Nicole Abar (voir encadré), a étudié les catalogues 2017 de Decathlon, Intersport, Go Sport et Sport 2000 : les filles n’apparaissent que dans un tiers des photos et principalement dans les rubriques danse et fitness. De quoi conforter, voire renforcer les stéréotypes… qui se retrouvent aussi sur le terrain. Ainsi, la danse est-elle à 90 % féminine alors que le football et le rugby sont à 90 % masculins. Quant à la Fédération française de football, elle compte 2,2 millions de licenciés, dont seulement 165 000 femmes, soit moins de 8 %.
Le 6 mars, Nicole Abar a lancé une campagne de crowfunding pour la fabrication de dix baby-foot mixtes, pour attirer l’attention sur la Coupe du monde féminine de football qui se déroulera pour la première fois en France en juin et juillet. « Nous faisons fabriquer la figurine d’une joueuse de football par l’entreprise française Bonzini, leader du secteur, précise-t-elle. Tout le monde pourra se la procurer pour l’installer sur des baby-foot. » Une tournée dans les dix villes hôtes de la Coupe du monde permettra, espère Nicole Abar, de sensibiliser le public à l’accès des femmes au sport.
Les tenues en question
« Quand je joue au hockey sur glace dans des équipes mixtes, dénonce Coralie Couzinou, technicienne intervention polyvalente chez Enedis à Brive, j’entends : « Ce n’est pas un sport de fille, mets-toi à la couture ! » » Bien qu’il y ait de plus en plus de licenciées, les tenues de joueuses de hockey sont bien plus chères que celles pour hommes.
« Je dois m’équiper en junior, ce qui n’est absolument pas adapté à ma morphologie, précise la jeune femme. Il existe aussi des crosses pour femmes. Mais pourquoi faut-il qu’elles soient roses ? » enrage-t-elle, ajoutant que les femmes doivent, comme les enfants, jouer avec une grille qui leur recouvre tout le visage, tandis que les hommes peuvent se contenter d’une demi-visière.
Les tenues des sportives, toute une histoire… sexiste. En 2013, Thierry Weizman, le président du club les Dragonnes de Metz, l’équipe de handball féminine de la préfecture de Moselle, se flattait ainsi d’avoir rassemblé 30 % de spectateurs en plus depuis que ses joueuses évoluent en jupettes. Thierry Weizman confirme que les sponsors choisissaient la jupette pour y apposer leur logo. « À l’étranger, des salles se sont remplies pour voir les joueuses en jupes ! »
Et si le sport était féministe ?
Un sport toutefois vient bousculer bien des préjugés : le roller derby. « C’est un sport où on se tape dessus, mais où on se respecte et qui est essentiellement féminin, même si de plus en plus d’hommes le pratiquent », explique Christine Regnier, technicienne intervention réseau chez Enedis dans le Gard et administratrice de la CMCAS Languedoc.
« La première année, précise-t-elle, c’était compliqué car ma mère ne voulait pas garder mon fils pendant que j’allais pratiquer un sport violent. » Sous le nom d’Electrik Kryss, Christine Regnier joue dans le club alésien les Broyeuses de chair.
La règle consiste notamment à sortir les joueuses de l’équipe adverse à coups de hanche et d’épaule. « Bien viser s’apprend. Il est notamment interdit de taper au-dessus de l’épaule, sous les genoux et dans la zone de la colonne vertébrale. Aujourd’hui, après quatre ans de pratique, je suis coach, complète-t-elle. On passe des heures à se taper dessus au ralenti. »
Elle a été séduite par le côté inclusif de ce sport qui laisse aux personnes transgenres [dont le genre, homme ou femme, ne correspond pas au sexe assigné à la naissance, ndlr] la possibilité de jouer dans une équipe masculine ou féminine. En mai 2018, la Fédération française de roller et skateboard, dont dépend le roller derby, a ainsi remporté le premier prix de lutte contre les discriminations dans le sport, attribué par la Fédération sportive gaie et lesbienne avec le soutien de la Dilcrah (Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT).
« Aujourd’hui, il n’y a plus de sports interdits aux femmes »
Trois questions à Patricia Costantini, entraîneuse nationale de volley-ball et cofondatrice, avec sept autres femmes, du collectif Égal Sport.
Où en est-on des conditions d’accès aux sports pour les filles et les garçons ?
Les progrès sont indéniables. Aujourd’hui, il n’y a plus de sports interdits aux femmes. La boxe est le dernier à leur avoir ouvert ses portes aux Jeux olympiques de 2012. Quand Pierre de Coubertin a créé les Jeux olympiques, peu de personnes imaginaient que les femmes pouvaient faire du sport. On pensait que si elles écartaient trop les jambes, cela nuirait à leur fécondité !
D’ailleurs, ne trouve-t-on pas une surreprésentation de femmes dans le sport santé, la gym volontaire, et à l’inverse, une sous-représentation dans des disciplines à forte connotation masculine ? En revanche, le Comité international olympique n’autorise toujours pas les hommes à pratiquer la natation synchronisée et la gymnastique rythmique aux Jeux olympiques.
Et qu’en est-il de la mixité dans les équipes ?
Là aussi, les choses évoluent. Aux prochains JO, la mixité gagne du terrain avec, notamment, l’apparition de relais mixtes (natation, athlétisme, triathlon) ou de double mixte en tennis de table.
Comment le collectif Égal Sport, que vous avez cofondé le 8 mars 2017, œuvre-t-il en faveur de l’égalité femmes-hommes dans le sport ?
Nous incitons les institutions et les médias à valoriser les actions positives en faveur de la place des femmes dans le sport. Nous mettons à disposition sur notre page Facebook et notre site Internet une importante documentation constituée de guides, de rapports et de textes de référence sur ce sujet, et proposons une analyse de l’actualité sportive avec ses bons et ses mauvais élèves !
Nous avons également établi un réseau d’expertes pouvant intervenir dans six domaines : haut niveau et sport professionnel, sciences humaines et sociales, médias, sciences biologiques, droit-économie et management.
Nous avons également réalisé deux études, une sur la féminisation de la gouvernance dans les fédérations sportives et une autre sur la toponymie des installations sportives, qui fait apparaître que 0,17% seulement d’entre elles portent le nom d’une sportive !
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