Étape cruciale de la construction identitaire, l’adolescence est un âge décisif où il est important de déconstruire les stéréotypes de genre, déjà bien ancrés dans l’esprit des jeunes. Exemples d’initiatives en colo CCAS et éclairage de l’association En avant tout(e)s, spécialisée auprès de cette population.
« Les garçons, ça pleure pas », « les filles, ça joue pas au foot » : ces deux clichés sexistes sont loin d’avoir disparu des vies des enfants et des adolescents. Dans un sondage posté sur le compte Instagram @ccas_ados, suivi par près de 1 300 jeunes bénéficiaires*, 92 % des répondants considèrent qu’un garçon qui pleure, « c’est normal » ; et 93 % pensent que les colos sportives, « c’est autant pour les filles que pour les garçons ».
Pour autant, les 8 et 7 % d’ados qui répondent le contraire ont de quoi nous interroger ; de même que les 33 % de répondants ayant déjà renoncé à choisir une colo par crainte de se retrouver en minorité. Éloïse et Timothée, 14 ans, expliquent par exemple qu’ils appréhendaient « les moqueries et le jugement » de leurs pairs, la première pour une colo sportive (à dominante masculine), le second pour une colo équitation (à dominante féminine). « J’avais peut-être peur d’être le/la plus nul·le de la colo », expliquent les deux ados (lire plus loin leurs témoignages).
J’ai déjà voulu partir en colo sport, mais j’ai finalement changé d’avis par peur qu’il n’y ait que des garçons. J’avais peur du jugement peut-être, et d’être trop ‘nulle’ par rapport à eux.
Eloïse, 14 ans, habituée des colos CCAS.
Clichés, préjugés, stéréotypes de genre : la vie sociale est saturée de ces banalités réductrices qui, sous couvert d’énoncer des faits d’expérience (« c’est comme ça »), relèvent plutôt d’une injonction à la conformité, qui définissent ce que doivent être une « vraie fille » (qui ne joue pas au foot) ou un « vrai garçon » (qui ne pleure pas).
En grandissant, nous n’avons pas d’autre choix que d’intégrer ces injonctions de genre à notre expérience, qu’on en ait ou non conscience, qu’on les combatte ou qu’on les reproduise ; et plus encore quand les inégalités sociales et économiques viennent les confirmer.
Les ados, une population clé
Dès lors, comment intervenir auprès des jeunes et les amener à exercer leur esprit critique face à ces stéréotypes ? En partant du « positionnement très naïf » consistant à leur demander « pourquoi ? », et en « ouvrant un espace de parole » les interrogeant sur leur vécu, expliquent Louise Delavier et Louise Neuville, responsables de l’association de prévention En avant toute(s).
À travers ses interventions en milieu scolaire et associatif, son site internet et le tchat dédié aux jeunes (commeonsaime.fr), l’association tente de capter une parole qui passe globalement sous les radars officiels, et de déconstruire les stéréotypes violents (« Une fille qui couche avec plusieurs garçons est une p*** ») qui font le lit de réels faits de harcèlement et de violence. La cible : les rapports affectifs et sexuels des ados, sujet sur lequel ils ne sont pas prompts à s’épancher, surtout dans le cadre familial, et encore moins scolaire.
Un constat que partage Jordan Delacroix, directeur de colo aguerri : la colo par son caractère « éphémère » et sa vie collective concentrée sur quelques jours est propice à des échanges sur des sujets intimes et/ou tabous. « Les ados nous disent : ‘L’avantage ici, c’est qu’on peut dire les choses, parce qu’on on ne se connaît pas et qu’à la fin chacun repart chez soi' », confie ce professeur des écoles et intervenant auprès de jeunes déscolarisés qui peaufine depuis plusieurs années une « veillée sexe », dans le cadre de l’action santé de la CCAS.
On s’appuie sur des problématiques (…) dont les réponses peuvent être compliquées à trouver dans le cercle familial.
Jordan Delacroix, directeur de colo
À partir de questions posées anonymement par les ados, l’équipe d’animation assure une forme d’éducation sexuelle à des jeunes qui, en France, n’y ont que très peu accès. Le sujet interpelle d’abord, mais bientôt les questions fusent – dont certaines témoignent de l’ignorance des ados ou de leurs idées reçues. « On s’appuie sur des problématiques qui ressortent d’elles-mêmes, issues de l’environnement [des jeunes], et dont les réponses peuvent être compliquées à trouver dans le cercle familial », explique Jordan Delacroix.
À travers des supports ludiques ou culturels (grands jeux, spectacles, ciné-débats, lectures, boîte à outils…), programmés par la CCAS à toutes les grandes vacances ou imaginés par les encadrants, la colo fait partie des lieux qui créent les conditions d’un échange finalement peu courant dans la vie de tous les jours… et qui transforme jusqu’aux adultes, confi e le directeur, ceux-ci étant amenés à cette occasion « à des réflexions qu’ils n’auraient peut-être jamais eues ».
Ados en colo : témoignages
Merci à Timothée, Eloïse, Maë, Toni, Lysa, et tous les abonnés du compte Instagram @ccas_ados pour leur participation au sondage en ligne ! Extraits des témoignages ayant suivi la publication du sondage…
Les colos équitation c’est presque que des filles… Car, je pense, la majorité sont en club, et que ce sont généralement des filles. Ceux qui ne font pas d’équitation en dehors, notamment les garçons, ont peut-être peur d’être le plus nul de la colo, et des moqueries. Je n’en ai subi aucune, mais je les ai appréhendées. On ne peut pas faire grand-chose pour augmenter le nombre de garçons à ces colos… mais mettre dans le même centre une colo équitation (avec souvent des filles) et une colo mécanique/moto (généralement pleine de garçons) permettrait d’équilibrer les sexes au sein du centre.
Timothée, 14 ans, Gironde, part une à deux fois par an en colo, depuis ses 4 ans.
J’ai déjà voulu partir en colo sport, mais j’ai finalement changé d’avis par peur qu’il n’y ait que des garçons. J’avais peur du jugement peut-être, et d’être trop ‘nulle’ par rapport à eux. Je suis un peu moins timide avec les filles aussi ! Mais j’étais jeune : aujourd’hui, ce n’est plus du tout le cas ! Deux ans auparavant, je n’aurais jamais osé. Mais j’ai appris à me sociabiliser, et je me suis rendue compte que l’on était tous égaux, et que tel ou tel thème n’était pas réservé aux filles ou aux garçons.
Eloïse, 14 ans, originaire d’Île-de-France, part en colo deux à trois fois par an.
Je suis déjà partie en colo avec 5 filles pour 24 colons, et cela ne m’a pas effrayé pour autant. C’est même bénéfique, car les filles ont plus tendance à créer des conflits ! Mais vu qu’on était que cinq, on était obligés de s’entendre et d’être soudées. D’autre part, la mixité est une des valeurs essentielle à la colonie. Construire un projet ensemble nécessite de travailler en harmonie, sans différences entre les filles et les garçons !
Maë, 16 ans, Nouvelle-Aquitaine, part en colo depuis ses 5 ans.
Moi, je suis déjà tombé dans une colonie sciences de 40 colons, où l’on était seulement 3 garçons. Et cela ne m’a pas gêné ! C’était même une super colo, où je me souviens de m’être bien amusé ! Par contre, en octobre, je suis parti en colonie et j’ai fait plein de belles rencontres… J’ai gardé contact et on repart tous ensemble en février.
Toni, 13 ans, Charente-Maritime, déjà 28 colos à son actif.
Je suis allée à une colo sport mécanique, on a fini 2 filles contre 20 garçons. Eh bien je retenterais l’expérience ! Je ne me suis pas sentie jugée sur mes capacités. Pour l’instant, je varie les thèmes de colonie pour voir ce qui me plait.
Lysa, 15 ans, Midi-Pyrénées, habituée des colos depuis ses 11 ans.
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