Les 5 et 6 mars prochains, le 11e Salon anticolonial investira de nouveau La Bellevilloise (Paris). Articuler l’histoire, la mémoire et l’actualité de la domination coloniale et des luttes décoloniales : c’est le sens de ce rendez-vous associatif, culturel et militant, auquel participe notamment l’Association Française d’Amitié et de Solidarité avec les Peuples d’Afrique (Afaspa).
Coup d’envoi d’une longue Semaine anticoloniale et antiraciste (du 5 au 21 mars), le Salon anticolonial de la Bellevilloise (Paris) se tient cette année dans le contexte particulier de la prolongation de l’état d’urgence en France et de sa constitutionnalisation, aux côtés de celle de la déchéance de nationalité. En résonance profonde avec l’actualité, les débats, expositions et projections programmés les 5 et 6 mars viendront aussi l’articuler à la mémoire et à l’histoire de la domination coloniale et impérialiste à l’échelle internationale, avec l’objectif de faire se rencontrer mémoires collectives et combats de terrain. En dialogue avec les mondes associatifs, culturels et universitaires, plus de soixante-dix organisations politiques et syndicales internationales feront ainsi état de leur lutte pour l’autodétermination des peuples colonisés, des peuples sans État et des minorités nationales, et contre la xénophobie d’État et le racisme structurel.
Trois questions à Michèle Decaster, secrétaire générale de l’Afaspa
« On ne peut pas savoir où l’on va sans savoir d’où l’on vient »
Créée en 1972, l’Association française d’amitié et de solidarité avec les peuples d’Afrique (Afaspa) sera présente tout au long du Salon anticolonial. Michèle Decaster, secrétaire générale de l’Afaspa et militante pour les droits des Sahraouis, nous explique le sens de sa présence.
Le Salon anticolonial et les programmations des Mercredis de l’Afaspa comportent souvent, si ce n’est toujours, une dimension historique. La construction collective des mémoires anticoloniales est-elle déjà une forme de combat ?
Entretenir la mémoire fait partie des résistances à l’oubli et à l’amnésie. L’histoire n’appartient pas à un « passé » dont il faudrait tourner les pages : encore faut-il les avoir lues. L’État français maintient une forme d’amnésie volontaire, avec pour conséquence que la population française et ses populations étrangères ne connaissent pas leur histoire. Or si l’État français ne reconnait pas son histoire coloniale, c’est parce qu’il ne la renie pas. C’est cela qui est grave. Pour autant, écrire l’histoire ensemble n’est pas une question de repentance, mais de connaissance et de reconnaissance. Dans le cadre des Mercredis de l’Afaspa, le 9 mars nous programmons Qui a tué Ali Ziri ? [du nom d’un retraité algérien décédé le 11 juin 2009 suite à une interpellation par la police lors d’un contrôle routier à Argenteuil, NDLR]. Après six années de procédure, la Cour de cassation a récemment prononcé un non-lieu définitif dans l’affaire. Le dossier devrait donc maintenant passer devant la Cour européenne des droits de l’Homme. Les débats que l’on propose sont donc dans l’histoire, mais concernent aussi des dossiers d’une brûlante actualité.
Le 8 mars, l’Afaspa participe à une soirée Femmes en résistances. De même le Salon anticolonial accueille de nombreux débats portant sur les oppressions sexistes et les résistances féministes au niveau international. Donnez-vous une importance particulière dans votre action à la solidarité avec les femmes opprimées ?
Les femmes ont une double peine, et subissent une double attitude criminelle avec les viols et les guerres. Elles sont donc une population doublement vulnérable. À l’inverse, leur résistance n’est pas une lutte catégorielle pour « leurs » droits. Soutenir la lutte des femmes via l’Afaspa est important, car les droits pour lesquels les femmes se battent sont des droits universels : ce sont des droits humains.
Le 16 février dernier, l’Assemblée nationale a voté la prolongation de l’état d’urgence sur le territoire national. Quel sens prend la tenue de cet évènement dans ce contexte ?
L’état d’urgence est toujours instauré pour de mauvaises raisons, surtout quand il dure ! On a l’impression de se retrouver pendant la guerre d’Algérie… Si des mesures d’urgence doivent être prises, qu’elles le soient. Mais lorsqu’elles durent, cela pose des questions de droit et de démocratie, surtout lorsqu’il s’agit de l’inscrire dans la constitution. Ce salon, cette Semaine anticoloniale et ses débats d’idée ont donc vraiment du sens.
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