Il y a quatre-vingt ans, le secrétaire général du Parti communiste français Maurice Thorez tendait la main aux catholiques et à la droite, au nom de l’union nationale face à la menace fasciste. Ce discours de la « main tendue » préfigure l’alliance victorieuse qui permettra l’arrivée au pouvoir du Front populaire. C’est le deuxième épisode de notre chronique de 1936.
C’était il y a quatre-vingt ans, mais le discours résonne toujours aujourd’hui comme s’il venait d’être prononcé. A neuf jours d’élections législatives qui s’annoncent décisives, Maurice Thorez, secrétaire général du Parti communiste français, stupéfait en lançant le 17 avril 1936 la politique de la « main tendue » vers les catholiques et la droite au nom de l’union nationale face à la menace fasciste. Pour le PCF, qui avait campé depuis sa fondation en 1920 sur une ligne « classe contre classe », combattant tant la droite que les socialistes, c’est là un tournant majeur.
Que dit Thorez dans ce discours historique ? « Un vent de détresse souffle sur notre beau pays. Depuis cinq années déjà, la crise économique sévit dans l’industrie, l’agriculture, le commerce et les finances publiques et privées », attaque-t-il, en des termes qui nous semblent très contemporains. De cette crise persistante, il rend responsables « les 200 familles qui dominent l’économie et la politique de la France » et « la dictature des banques ». Là encore, nul besoin de souligner la proximité avec la révolte contre l’oligarchie libérale qu’exprime le mouvement Nuit debout.
Puis le dirigeant communiste dénonce la fausse alternative que proposent les ligues d’extrême droite, inspirées par le fascisme italien et le nazisme, qui ont tenté de prendre le pouvoir le 6 février 1934. Mais le plus étonnant du discours est sa chute. « Nous te tendons la main, catholique, ouvrier, employé, artisan, paysan, nous qui sommes des laïques parce que tu es notre frère et que tu es comme nous accablé par les mêmes soucis. Nous te tendons la main, volontaire national, ancien combattant devenu croix-de-feu, parce que tu es un fils de notre peuple, que tu souffres comme nous du désordre et de la corruption, parce que tu veux comme nous éviter que le pays ne glisse à la ruine et à la catastrophe », lance le secrétaire général du PCF.
Ce discours ne manque pas de faire réagir. La droite entame l’air connu de l’anticommunisme : « En France comme en Russie le communisme fera de vous ses esclaves », affirment les affiches du Centre de propagande des républicains nationaux. L’écrivain François Mauriac, proche de la droite catholique mais républicaine, ironise dans « Le Figaro » en comparant le discours du dirigeant communiste à « la voix tendre et bêlante » de « la paysanne qui appelle ses couvées : “Petits ! Petits ! Petits !” » Dans « Candide », l’écrivain Lucien Rebatet, qui sera sous l’Occupation un des plus ardents partisans de la collaboration, moque aussi « le communisme pantouflard et pot-au-feu ».
Mais ce tir de barrage conservateur n’empêche pas le succès électoral de la gauche. Au soir du 26 avril 1936, premier tour du scrutin, le PCF recueille plus de 15% des suffrages, soit le double de son score au scrutin de 1932. Ses alliés socialistes et radicaux stagnent. Mais rien n’est joué pour le second tour, prévu pour le 3 mai. Si ce n’est que les partis de gauche ont convenu de se désister en faveur du candidat arrivé en tête au premier tour dans chaque circonscription.
Chronique de l’année 1936Quatre-vingts ans après l’arrivée au pouvoir du Front populaire, le Journal en ligne entame une chronique de cette période qui a marqué l’histoire, et se révèle aujourd’hui pleine d’enseignements. |
Je ne suis pas communiste mais il n’y aura qu’un seul Maurice Thorez comme il n’y aura qu’un seul marcel PAUL