Il accompagne les militants syndicaux, politiques et associatifs dans la reconnaissance de compétences acquises tout au long de leur parcours. À la clé, une certification, et bien souvent, la possibilité d’une reconversion.
« La validation des acquis de l’expérience militante (VAE) est surtout utile aux syndicalistes qui sont sur le terrain : celles et ceux qui sont haut placés dans la hiérarchie n’en ont pas besoin, car il est facile pour eux de se reconvertir », rappelle d’emblée Yannick Le Quentrec, sociologue et directrice de l’Institut régional du travail (IRT) d’Occitanie, qui abrite le tout premier centre de ressources sur la VAE militante du pays.
Elle estime qu’il n’y avait pas meilleur endroit pour l’accueillir que l’IRT : « La création des instituts régionaux du travail en 1945 [il en existe désormais dix en France, ndlr], dans le sillage du Conseil national de la Résistance, s’enracine dans le mouvement d’éducation populaire et ouvrière. » Ils ont pour objectif de contribuer à la « promotion individuelle et collective des salarié·es et à l’avènement d’une société plus juste et plus démocratique ».
Inauguré en 2003, l’IRT d’Occitanie a été créé sous l’impulsion du ministère du Travail par des organisations syndicales – CFDT, CGT, FO – et avec le soutien de l’université Toulouse-Jean-Jaurès où il est situé. Il assure la formation universitaire en sciences humaines et sociales des membres des confédérations syndicales de salarié·es, accompagne notamment les négociations d’accords relatifs à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et réalise des recherches universitaires.
Créé sous l’impulsion de trois syndicats
« En 2002, quand la validation des acquis professionnels est devenue la validation des acquis de l’expérience, se souvient Yannick Le Quentrec, la reconnaissance de l’expérience militante pour l’obtention d’une certification était enfin possible. »
Responsable à l’IRT de la mise en place de formations répondant aux préoccupations syndicales, elle connaissait bien ce public et ses besoins. « Les militant·es, ce sont des gens qui savent se décarcasser pour les autres, reconnaît-elle, mais pour eux-mêmes, c’est plus difficile. À quelle porte frapper ? À qui demander du soutien ? » En 2009, elle décide de mettre en place un dispositif expérimental d’accompagnement des candidats à une VAE militante.
Se reconvertir et valoriser son expérience
Entre 2009 et 2013, vingt-six syndicalistes en ont bénéficié, dont Alain Fournès, militant CGT depuis 1983. Pendant trente-trois ans, il a travaillé en tant qu’ouvrier dans l’usine de textile Roudière de Lavelanet, dans l’Ariège. Il occupait le poste « réservé » aux syndicalistes, le plus difficile, à la machine de finition, là où l’on doit remettre à plat des bandes de tissus de 50 m de long, entortillées après avoir été teintes.
« C’était la douche en permanence », assure celui qui a été secrétaire du comité central d’entreprise, secrétaire du CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), secrétaire du comité de groupe Chargeur, représentant du dialogue social pour les questions européennes, secrétaire général de l’Union locale de la CGT et administrateur de la CAF. « Ce sont les compétences acquises autour du conseil et de l’accompagnement du salarié que j’ai voulu valider. »
À 52 ans, après un licenciement économique, l’ancien ouvrier a ainsi obtenu son diplôme de médiateur et a été engagé au comité régional de la CGT où il s’occupe des TPE, de l’artisanat et, dans le cadre d’une convention avec l’Agefiph (association pour l’emploi des personnes handicapées), de la formation des délégués syndicaux pour le maintien dans l’emploi des salariés en situation de handicap. « Ce n’est plus un métier, s’exclame Alain Fournès, c’est une passion ! »
Christine Millet, professeure des écoles et militante CFDT depuis 1990, a quant à elle souhaité « montrer que c’était possible » : « J’incitais les syndicalistes à se lancer dans la VAE, mais ils me disaient que c’était trop difficile, trop compliqué. Alors, je l’ai fait ! Je voulais leur montrer que ce qu’on accomplissait dans le cadre syndical pouvait mériter un diplôme. »
Membre de la commission exécutive de l’Union régionale interprofessionnelle de son syndicat en Midi-Pyrénées, elle est devenue, à l’occasion de la fusion avec la région Languedoc-Roussillon, chargée de mission à la formation en Occitanie. Elle fait également partie du conseil pédagogique de sa confédération, où elle s’occupe de la formation des syndicalistes au niveau national.
Elle a donc obtenu le Dufres, le diplôme de responsable de formation, et a hésité à lâcher le syndicalisme pour entrer à la Dava (dispositif académique de validation des acquis). « C’était en 2010, j’avais déjà 50 ans et je trouvais que cette reconversion arrivait un peu tard, estime-t-elle. C’était aussi compliqué pour moi, car mes conditions de travail devenaient moins intéressantes : j’habite à la campagne et il me fallait venir tous les jours à Toulouse. Je retire de cette VAE une fierté personnelle, ça fait du bien ! »
« Réinjecter de la solidarité avec les pairs »
Yannick Le Quentrec a voulu qu’une certification sur mesure soit proposée aux candidats en fonction de leur trajectoire syndicale, des compétences acquises sur le terrain et de leurs aspirations. Après avoir testé et ajusté son projet, elle a lancé en septembre 2018 le centre de ressources sur la VAE militante. Outre les syndicalistes, il s’adresse également aux bénévoles des associations et aux élus politiques.
Financé par la Région Occitanie, la Direccte, l’IRT et bientôt par l’Agefos PME (financeur de la formation), le centre de ressources sur la VAE militante s’est entouré de nombreux partenaires tels que les syndicats, les universités, les Opca (organisme paritaire collecteur agréé) ou les espaces de conseil de la VAE.
Le centre de ressources de la VAE militante, qui compte déjà 13 candidats et 18 en voie de l’être, leur propose une orientation, un accompagnement personnalisé, une plateforme participative numérique, mais aussi des réunions régulières avec les autres candidats pour chercher ensemble des solutions aux difficultés qu’ils rencontrent. « La VAE est une démarche individuelle, ajoute la directrice de l’IRT. Pour ces personnes qui ont essentiellement connu des projets collectifs, c’est important de réinjecter de la solidarité avec les pairs. »
Un nouveau dispositif pour valoriser les parcours militants
Avec la fusion des instances représentatives du personnel en un comité social et économique (CSE), des milliers de militants devront retrouver leur poste ou se réorienter.
Une disposition de la loi Rebsamen de 2015, créée par arrêté en juin 2018, vise à valoriser les parcours des représentants du personnel en leur délivrant des certificats de compétences professionnelles articulés autour de six blocs, qui vont du suivi de dossier social d’entreprise à la mise en œuvre d’un service de médiation sociale ou encore à la prospection et la négociation commerciale.
Ces certificats de compétences, qui pourront faciliter l’accès à une VAE, ont été mis en place en 2018 dans les Pays-de-la-Loire et devraient être étendus sur l’ensemble du territoire, après retour d’expérience.
Pour aller plus loin
► Toutes les infos sur la validation des acquis de l’expérience sur le portail de la VAE : www.vae.gouv.fr
► Pour rechercher une certification professionnelle dans le répertoire national : www.vae.gouv.fr
► Pour contacter un centre de conseil sur la VAE.
► Plus d’infos sur les dix instituts régionaux du travail (Aix-en-Provence, Bordeaux, Grenoble, Lyon, Nancy, Paris, Rennes, Saint-Étienne, Strasbourg, Toulouse) : contacts, formations, diplômantes dispensées…
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