Travailler pour le climat : une utopie ?

Technicien de maintenance dans le parc éolien de Noyal-Pontivy (Morbihan).

Un salarié sur quatre serait prêt à changer de métier, d’entreprise ou de secteur afin d’être davantage en accord avec les enjeux écologiques. Photo : technicien de maintenance en intervention dans le parc éolien de Noyal-Pontivy (Morbihan). ©Hugo Aymar/Haytham-Rea

Au sein des Industries électriques et gazières comme ailleurs, les enjeux écologiques s’invitent de plus en plus souvent dans les entretiens d’embauche. Orienter sa carrière selon des critères environnementaux est-il le privilège d’une minorité de salariés ou un réel phénomène de société ?

Un homme enfile son bleu de travail, lace ses chaussures et attache son casque. Une voix solennelle soutenue par une musique aux accents homériques accompagne ses mouvements : « Nous allons rendre plus responsable le plus grand événement sportif de la planète et permettre aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 d’être raccordés à 100 % au réseau de distribution électrique […]. Nous deviendrons champions de la transition écologique, nous sommes la Team France électrique d’Enedis. »

Dans un contexte de crise écologique, les entreprises, afin de séduire les nouveaux embauchés, s’affichent en championnes de la lutte contre le dérèglement climatique. À Enedis, comme dans les autres entreprises des Industries électriques et gazières (IEG), la course au recrutement est lancée. « Tous nos postes répondent aux enjeux de la transition écologique, assure Nicolas Marchand, DRH du gestionnaire du réseau public de distribution. Avoir un impact positif concret sur la planète est devenu un critère de choix pour les jeunes en recherche d’emploi. »

Le succès des « jobs à impact » chez les cadres

L’argument écologique des employeurs rejoint une préoccupation croissante chez les salariés : l’impact de leur travail sur l’environnement. Selon une récente étude de l’Unedic, menée auprès d’un échantillon représentatif de 2 000 actifs, seuls 20 % des salariés ont le sentiment que leur travail contribue positivement à la transition écologique ; 84 % d’entre eux souhaiteraient qu’il soit en adéquation avec le défi climatique. Un salarié sur quatre serait même prêt à changer de métier, d’entreprise ou de secteur afin d’être davantage en accord avec ces enjeux écologiques.

Surfant sur cette vague, de multiples cabinets de conseil ont vu le jour, afin de guider les salariés vers des « jobs à impact » : des postes susceptibles d’avoir une influence positive sur l’environnement ou la société et qui s’adressent essentiellement aux cadres.

Le cabinet Jobs that make sense fait partie de ces plateformes qui ont vu leur popularité décoller avec la crise sanitaire. « Le travail est certainement le levier d’action le plus fort pour aider à la transformation de la société. Si on le met au service de la transition écologique et sociale, on a un vrai pouvoir », résumait en octobre 2022 sur Europe 1 Fabien Sécherre, porte-parole de la plateforme. Celle-ci proposait cet été des centaines d’offres d’emploi dans la catégorie « énergie propre », dont une trentaine chez IZI by EDF, la marque d’EDF spécialisée dans la rénovation énergétique de l’habitat.

Combien de salariés sont réellement prêts à démissionner ou à changer de poste pour améliorer leur bilan carbone ? Difficile à dire. Une chose est sûre : les jeunes actifs sont plus sensibles à cet enjeu que leurs aînés. Depuis la publication en 2018 du manifeste « Pour un réveil écologique », signé par 33 000 étudiants, une partie des diplômés des grandes écoles d’ingénieurs et de commerce se retrouvent à l’avant-garde d’une critique féroce du monde du travail. Ils refusent d’entrer dans des entreprises qui participent à la crise climatique.

Mais ils demeurent malgré tout minoritaires au sein de leur génération. Selon la dernière enquête du cabinet Universum, réalisée auprès de plus de 27 000 jeunes, les bac + 4 et bac + 5 placent le bien-être au travail et l’égalité homme-femme bien avant les considérations environnementales. À EDF – l’une des entreprises préférées des candidats ingénieurs –, la rémunération et la possibilité de développer ses compétences restent les deux principaux critères d’attractivité.

Un fort conflit éthique chez les ouvriers

Qu’en pensent les travailleurs situés en bas de l’échelle des salaires ? Ils s’expriment très peu sur les dimensions environnementales de leur activité, constate l’économiste Thomas Coutrot, qui a étudié pendant vingt ans la question des « conditions de travail et santé », au ministère du Travail.

Pourtant, selon lui, « les ouvriers sont trois fois plus nombreux que les cadres à estimer que leur travail a des conséquences négatives pour l’environnement ». Dans le livre « Redonner du sens au travail », qu’il a coécrit en 2022 (éditions Seuil), il appelle cela un « conflit éthique environnemental ».

Cette dissonance apparaît quand l’éthique du salarié se heurte aux nuisances qu’il occasionne directement ou indirectement par son activité. Si, la plupart du temps, le conflit éthique ne conduit pas le salarié à changer de poste ou d’entreprise, « on ne peut plus éluder le débat de l’impact des activités de travail sur l’environnement, estime Thomas Coutrot. Beaucoup de salariés se préoccupent vraiment de ce qu’on va leur faire faire. Ils sont très nombreux à se poser ces questions et à les poser aux recruteurs ».

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