Du 14 au 21 août, les vacanciers de Trébeurden ont découvert la danse avec la chorégraphe congolaise Vesna Mbelani et le danseur guinéen Karim Sylla, tous deux en résidence artistique au village vacances, dans le cadre d’une collaboration avec l’Atelier des artistes en exil.
Dans l’amphithéâtre vide, le 18 août dernier, une quinzaine de personnes en cercle se livrent à un échauffement physique. « Allez, on piétine sur place… de plus en plus vite ! » lance le jeune homme qui guide le groupe. Tous accélèrent le tempo. « C’est comme si on était sur vibreur ! » plaisante un adolescent. La bonne humeur règne dans cet atelier de danse africaine. Nous sommes au village vacances de Trébeurden, dans les Côtes-d’Armor, qui reçoit Karim Sylla, 21 ans, et Vesna Mbelani, 30 ans, deux danseurs professionnels.
Membres de l’Atelier des artistes en exil (AA-E) ils sont accueillis à la CCAS dans le cadre d’une résidence de création en partenariat avec l’AA-E, qui soutient les créateurs de toutes disciplines ayant trouvé refuge en France. Durant une semaine, les deux artistes bénéficient d’un espace de travail pour préparer une nouvelle création, et proposent parallèlement un atelier de pratique artistique aux vacanciers, en l’occurrence un atelier de danse, chaque matin.
Venus pour la première fois en résidence d’artistes à Trébeurden, les danseurs Karim Sylla, originaire de Guinée-Conakry, et Vesna Mbelani, originaire du Congo-Brazzaville, sont soutenus par l’Atelier des artistes en exil. ©Agnès Dherbeys/CCAS
Vesna et Karim ont été contraints de fuir un pays où ils étaient empêchés de pratiquer leur métier. La première, gabarit « poids plume », d’un caractère réservé, se décrit comme « une danseuse traditionnelle convertie au contemporain ». Venue du Congo-Brazzaville, elle s’est exilée en France il y a quelques mois à peine, en 2021.
Le second, allure athlétique et sourire jovial, est originaire de Guinée-Conakry, et réside en France depuis cinq ans. Il est aussi à l’aise dans les danses mandingues que dans la danse contemporaine et la breakdance. Tous deux possèdent une solide expérience professionnelle, forgée dès leur plus jeune âge. Ils n’avaient jamais travaillé ensemble auparavant, pourtant leur connivence est palpable.
Une danse pour tous
Dans l’amphithéâtre où se déroule l’atelier de danse, les participants mémorisent un enchaînement de pas mêlant traditions de Guinée et du Congo. L’enjeu : parvenir à un mouvement d’ensemble. Dans les rangs des danseurs, on compte trois enfants et trois adolescents – ces derniers ont adhéré d’emblée à l’activité. Est entré également dans la danse Arthur Zanotti, 24 ans, un bénéficiaire de la CMCAS Picardie, venu dans le cadre des séjours Pluriel adultes, qui permettent d’accueillir des personnes en situation de handicap.
Que peuvent leur transmettre ces artistes en seulement quelques heures ? « Déjà, la joie de danser et l’envie de montrer plus tard ces gestes à leurs amis, car c’est très ludique », répond le danseur. « Donner le sourire, rappeler le bonheur d’être libre, car les vacances, c’est la liberté ! » ajoute sa complice.
Concrètement, il s’agit de préparer la soirée du lendemain, qui marquera la fin de cette résidence sous le signe de l’ouverture humaine et culturelle. Chaque artiste dévoilera alors une chorégraphie personnelle avant de donner l’élan au groupe, dans une atmosphère qui promet d’être festive.
« Les artistes sont passionnés et très abordables »
Claire Renaudin, 39 ans, auxiliaire petite enfance dans le Maine-et-Loire, bénéficiaire du programme Bourse Solidarité Vacances mis en place par la CCAS avec l’ANCV.
« Je suis venue participer à cet atelier de danse au départ… parce qu’il pleuvait ! [Rires.] Et puis, j’étais curieuse de voir cette activité à laquelle ma fille de 13 ans participait depuis le début de la semaine. Je n’ai pas de pratique particulière de cette discipline, à part danser avec mes deux enfants dans le salon ! Finalement, je trouve l’atelier formidable. Les artistes sont passionnés et très abordables. Leur façon de présenter cette danse rapproche vraiment les gens et les générations. La présence d’un homme et d’une femme est aussi intéressante : si mon fils de 10 ans n’avait pas vu Karim Sylla faire une démonstration, je crois qu’il n’aurait jamais eu envie de venir danser lui aussi ! »
Une résidence qui a du sens
Au cours de la semaine, ces danseurs accomplis à la personnalité généreuse auront réussi à créer des moments où le rythme partagé devient source de réjouissance. Marina Salaud, responsable de ce lieu d’accueil de 176 places, et son équipe, avaient préparé en amont un programme thématique sur les cultures d’Afrique. Une « balade contée » mêlant récits bretons et africains, un atelier de modelage et un atelier de peinture inspirés des arts africains étaient ainsi proposés aux bénéficiaires pour s’imprégner des cultures africaines entre deux promenades sur la Côte de granit rose. À disposition, sur une table, des ouvrages sur l’Afrique mais aussi sur l’exil incitent à approfondir des questions comme l’accueil des réfugiés.
Parmi les artisans de cette résidence artistique réussie, Marina Salaud, directrice du village vacances de Trébeurden, et Christophe Étienne, animateur. ©Agnès Dherbeys/CCAS
Les artistes auront aussi échangé avec de nombreux bénéficiaires de tous âges. En accord avec les animateurs, Valérie Le Toumelin et Christophe Étienne, Karim et Vesna ont d’ailleurs proposé une démonstration de leur art dès le lendemain de leur arrivée à Trébeurden : à l’heure de l’apéritif, sur la terrasse, ils ont captivé un grand nombre de familles ! Les frappements de mains et les chants repris spontanément par les spectateurs ont accompagné leur performance – comme le veut la coutume en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest, où la danse est une expérience collective.
L’expression puissante de Vesna, proche de la transe, l’énergie explosive et spectaculaire de Karim, l’ambiance chaleureuse ont marqué de nombreux témoins. Un autre soir, les chants partagés après une séance de maquillage à l’argile ont aussi laissé un souvenir mémorable.
Atelier maquillage à l’argile animé par les deux artistes en résidence au village vacances de Trébeurden, août 2022. ©Agnès Dherbeys/CCAS
Enfin, Karim Sylla et Vesna Mbelani auront travaillé sur leurs solos respectifs. Karim Sylla peaufine une pièce où la lenteur du butoh, une danse japonaise, se mariera au dynamisme de la tradition guinéenne pour évoquer une prière aux morts. Vesna Mbelani prépare, elle, un récit chorégraphié des souffrances qu’elle a endurées dans son pays puis ici en tant que femme réfugiée. Les artistes repartiront aussi de Trébeurden avec un nouveau projet : un duo.
« En dehors de l’atelier, j’ai beaucoup apprécié la soirée conviviale »
Michel Benzékry, 75 ans, ancien chargé d’études économiques et commerciales à EDF, bénéficiaire de la CMCAS Marseille.
« J’ai tout de suite été attiré par cette proposition autour de la danse africaine, car j’aime danser – j’ai pratiqué notamment le rock et la salsa. Le type de danse abordé est assez physique. Pour pleinement en profiter, il faut dépasser certaines inhibitions, mais ce style me semble plus facile que d’autres : on parvient assez vite à faire des mouvements qui ont du sens.En dehors de l’atelier, j’ai beaucoup apprécié la soirée conviviale qui s’est déroulée au bar. Vesna et Karim ont fait des percussions et entonné des chants que nous avons repris en chœur – des chants rituels qu’ils nous ont expliqués. Il y avait une très bonne ambiance ! Il est bien possible qu’avec mon épouse, qui a participé à l’atelier, nous cherchions un cours de danse africaine près de chez nous, à la rentrée. »