Une centrale électro-musculaire pour promouvoir la sobriété : rencontre avec Frédéric Henrio, retraité de GRDF

La centrale électro-musculaire de Frédéric Henrio, retraité de GRDF, permet de produire de l’électricité à la force des jambes. Ici à Plozévet (Finistère) pour une démonstration dans le cadre de la semaine Européenne de la mobilité. ©Charles Crié/CCAS

Jeune retraité de GRDF, Frédéric Henrio a mis au point un dispositif permettant de projeter des films en faisant pédaler les spectateurs. Une manière ludique, pour cet inlassable inventeur, de sensibiliser le public au gaspillage énergétique.

Le tube « Killing in the Name » résonne dans tout le port. Intrigués, des visiteurs s’approchent de la source sonore. Ils découvrent alors dix personnes en train de pédaler avec entrain sur des home trainers (vélos d’appartement) reliés à une « centrale électrique » artisanale.

Face à eux, genoux fléchis, Frédéric Henrio, jeune retraité de GRDF, mime les riffs de guitare du groupe Rage Against the Machine. Si la sono envoie des décibels, c’est grâce à l’électricité produite par la dizaine de paires de mollets en action. Ce spectacle musical participatif est offert par l’ancien gazier à l’occasion du passage de la course à la voile la Solitaire du Figaro à Port-la-Forêt (Finistère), le dernier week-end d’août.

Une centrale électro-musculaire

C’est en 2015 que l’ex-technicien d’intervention réseau gaz a inauguré sa « centrale électro- musculaire ». « Toute l’énergie électrique produite par les personnes qui pédalent est concentrée dans cette power box », explique-t-il en désignant une boîte d’un mètre de haut contenant un convertisseur-onduleur, des résistances de dispersion et une batterie. L’énergie produite par les cyclistes (12 volts) est transformée en un signal de 220 volts et 50 hertz.

L’énergie produite par la centrale électro-musculaire est suffisante pour diffuser de la musique ou un film, comme ici « Les Triplettes de Belleville », à la salle des fêtes de Plozévet (Finistère). ©Charles Crié/CCAS

Depuis sept ans, Frédéric Henrio a été invité à présenter son invention dans de nombreux festivals, suscitant beaucoup de curiosité dans le public. Mais aussi dans les médias locaux et nationaux. Grâce à cette électricité produite par les muscles, il diffuse de la musique en plein air ou projette des films. Son dispositif crée parfois des ambiances magiques. Comme le 20 août dernier, au Festival international du film insulaire de Groix (Morbihan), lorsqu’un documentaire sur la rencontre entre une danseuse et des baleines à bosse a été projeté devant un millier de spectateurs. « Un grand moment ! »

Avec sa « power box », Frédéric Henrio veut faire prendre conscience de la valeur de l’énergie. Une fois le film ou le concert terminé, il échange avec ses « spect’acteurs » sur la consommation des appareils électriques que nous utilisons au quotidien. Savent-ils combien de temps il faudrait pédaler pour faire fonctionner un climatiseur pendant vingt-quatre heures ? « Soixante jours ! », leur répond-il.

Dans sa chasse au gaspillage, l’homme n’est pas près de s’arrêter. En 2007, il était le premier dans son entreprise à venir au travail en vélo électrique. « On me prenait pour un fou », sourit-il. Il y a quelques années, il a réussi à agrandir sa maison tout en diminuant sa consommation globale.

Développer les déplacements doux

Le quinquagénaire est attentif à toutes les innovations permettant de réduire notre empreinte sur cette planète. En juin dernier, au Low-tech festival, qui se tenait à Concarneau (Finistère), il a rencontré Corentin de Chatelperron, « un jeune homme incroyable, qui a voyagé en voilier pendant six ans en totale autonomie (alimentaire, énergétique…) en mettant en application des idées glanées un peu partout dans le monde ».

Être un précurseur n’est pourtant pas toujours une sinécure. Frédéric Henrio l’a expérimenté en tant que conseiller municipal de sa commune, Saint-Évarzec (près de Quimper). Mais l’ancien passionné de voile, qui sortait en mer « même quand ça piaulait [par fort coup de vent, ndlr] », n’est pas du genre à reculer devant les obstacles. « Je n’ai jamais voulu être un mouton », reconnaît-il.

L’association Kernavélo, dont Frédéric Henrio est coprésident, promeut l’utilisation du vélo comme moyen de transport au quotidien sur le pays de Cornouaille. ©Charles Crié/CCAS

Pendant six ans, malgré des vents contraires, le coprésident de l’association Kernavélo s’est battu pour développer les déplacements doux. Son combat commence à porter ses fruits : la nouvelle municipalité a récemment délimité des « zones 30 » dans la ville. Quant à ses trois enfants, ils vont évidemment à l’école à bicyclette.

Mais le père de famille voudrait surtout en finir avec « la génération banquette arrière » : ces jeunes qu’on dépose devant l’école alors qu’ils pourraient y aller par leurs propres moyens. Et si on mettait en service des « vélos-bus » scolaires, se hasarde-t-il ? Peut-être le début d’un nouveau projet.